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Valorisation des semences locales : une école paysanne pilotée par des bénévoles pour redonner vie aux variétés oubliées

Dans la commune de Natitingou, dans le nord du Bénin, l’ONG ADESIA (Ex HS-FOOD) a lancé une initiative inspirante au cœur des préoccupations agricoles actuelles : la création d’une école paysanne dédiée à la valorisation des semences locales, animée entièrement par des bénévoles engagés. Dans un contexte de forte érosion de la biodiversité cultivée et de dépendance croissante aux semences hybrides externes, ce projet répond à un besoin urgent : reconquérir la souveraineté semencière des producteurs ruraux et préserver le patrimoine génétique local. L’école paysanne mise en place à Natitingou est le fruit d’une concertation avec des agriculteurs expérimentés, des jeunes en reconversion, des enseignants à la retraite et des animateurs communautaires passionnés. Tous ont uni leurs compétences pour concevoir un espace d’apprentissage pratique, accessible et ancré dans les réalités locales. L’objectif principal : redonner vie aux variétés traditionnelles délaissées, adaptées au climat, aux sols, et aux préférences alimentaires des populations locales. Pendant trois mois, une vingtaine de producteurs – femmes et hommes – ont suivi un cycle d’apprentissage structuré autour de modules pratiques : Identification participative des semences endogènes présentes dans la communauté Techniques de sélection paysanne et de conservation Multiplication des semences et organisation d’échanges locaux Valorisation des semences locales dans la diversification alimentaire et les marchés de niche Les séances se sont déroulées dans des champs-écoles, au sein même des exploitations des producteurs, favorisant une pédagogie horizontale où chaque participant était à la fois apprenant et porteur de savoirs. Les variétés sélectionnées incluaient des maïs résistants à la sécheresse, des niébés à cycle court, des sorghos locaux appréciés pour leur goût, ainsi que des légumes traditionnels comme l’amarante sauvage, le gboma ou le piment oiseau. Les animateurs bénévoles ont également introduit des outils simples pour documenter les caractéristiques agronomiques et organoleptiques des variétés, permettant aux paysans de mieux choisir, conserver et transmettre leurs semences. Des carnets de terrain ont été distribués, et chaque participant a été invité à créer une "fiche mémoire de semence", retraçant l’origine, les conditions culturales, les usages culinaires et les anecdotes associées à chaque graine. L’expérience a eu un impact immédiat : plusieurs producteurs ont décidé de consacrer une partie de leur parcelle exclusivement à la multiplication des semences paysannes. Des échanges spontanés ont eu lieu entre villages voisins. Certains ont même commencé à organiser de petits marchés de semences locales, où la monnaie d’échange n’était pas forcément financière, mais basée sur la solidarité, le troc et la reconnaissance mutuelle. Au-delà de l’enjeu agricole, l’école paysanne a aussi permis de revaloriser les savoirs anciens, souvent portés par les personnes âgées, et de reconnecter les jeunes à l’histoire vivante de leurs terroirs. Des récits de grand-mères sur « la graine de riz rouge » disparue, ou de vieux cultivateurs parlant des arachides parfumées d’antan, ont été enregistrés, enrichissant ainsi la mémoire collective. Cette initiative, menée sans financement extérieur, démontre qu’il est possible de bâtir des dynamiques puissantes de revalorisation des ressources locales avec des moyens limités, à condition de miser sur l’intelligence collective, l’implication bénévole et l’ancrage territorial. L’école paysanne de Natitingou est désormais un modèle réplicable, que l’ONG HS-FOOD souhaite adapter dans d’autres communes du pôle 3 et au-delà. Elle illustre la vocation de l’ONG : innover à partir du local, pour construire une agriculture plus résiliente, plus juste, et profondément enracinée dans les savoirs vivants des communautés.

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